CERRHUD

Bénin : Les progrès du projet Alert salués par les acteurs 

Mis en œuvre pendant cinq ans, le projet Alert (Action Leveraging Evidence to reduce perinatal Mortality and morbidity in Sub-Saharan Africa) a pris fin le 12 décembre 2024 à Cotonou sur une note de satisfaction des parties prenantes. Lors d’un atelier de clôture et de partage de connaissances, les résultats et les leçons apprises ont été présentés. 

Pari gagné pour la mise en œuvre du Projet Alert au Bénin. C’est avec fierté et enthousiasme que les professionnels de la santé impliqués dans la mise en œuvre dans les quatre hôpitaux dévoilent les succès. « Nous avions longtemps demandé qu’on forme les acteurs de la maternité et de la pédiatrie sur la manière de mener les audits. Aujourd’hui, la revue à haut impact est entrée dans nos habitudes. Les recommandations ont été mises en œuvre. Actuellement, l’hémorragie de la délivrance n’est plus la première cause de décès maternels dans notre hôpital », témoigne Dr Bernadin Aoué, gynécologue au Centre hospitalier départemental du Zou. 

Tout comme lui, d’autres professionnels de la santé et décideurs présents lors de l’atelier de clôture du projet Alert n’ont pas hésité à exprimer leur satisfaction quant à la qualité des interventions menées ces 5 dernières années à l’Hôpital de zone de Comè, au Centre hospitalier départemental du Zou et des Collines, au Centre national hospitalier universitaire Hubert Koutougou Maga de Cotonou et à l’Hôpital protestant Bon Samaritain de Porto-Novo.  

« Dans notre hôpital, beaucoup de choses ont changé en matière de réorganisation des services, en matière de documentation, car nous avons un journal où tout ce qui est fait à la maternité y est inscrit. Ce qui nous permet de voir notre niveau d’atteinte des objectifs et ce qui nous reste à faire. Ce projet nous a beaucoup aidés dans l’amélioration de la qualité des soins et des services, pour réduire les décès maternels et néonatals », affirme Édith Denadi, sage-femme à l’Hôpital de Zone de Comè, dans le département du Mono.

Des interventions co-créées avec les acteurs locaux 

Financé par la Commission de l’Union européenne et coordonné par le Karolinska Institutet en Suisse, Alert vise à développer et évaluer une intervention multifacette capable de renforcer la mise en œuvre d’interventions fondées sur des données probantes. Cela permettrait de réduire de 25 % la mortalité et la morbidité périnatale en établissement grâce à une approche multidisciplinaire au Bénin, au Malawi, en Tanzanie et en Ouganda. C’est-à-dire les décès survenus entre la 28ᵉ semaine de grossesse et les 7 premiers jours suivant la naissance

Lors de son allocution, Dr Jean-Paul Dossou, Directeur du Cerrhud, a rappelé les spécificités du projet, qui ont trouvé un écho favorable auprès des autorités sanitaires au ministère de la Santé, des autorités locales dans les formations sanitaires, ainsi que des directions départementales, qui ont apporté un grand soutien. « Ce projet n’est pas une intervention imposée. Il s’agit d’une initiative co-créée avec les acteurs locaux, appuyant leur leadership et intégrant des solutions adaptées aux réalités de terrain », a-t-il souligné. 

Dr Jean-Paul Dossou

Une baisse de 24 % de la mortalité périnatale 

Au Bénin, la démarche a consisté en une analyse situationnelle dans chaque hôpital, la co-création de l’intervention multifacette, et la formation des prestataires. Cette formation a été axée sur les gaps spécifiques de compétences, couplée à un accompagnement pour un renforcement continu de la compétence par l’approche du mentorat. Un registre périnatal numérique a été mis en place et l’approche de la revue à haut impact a été mise en œuvre dans ces hôpitaux. 

« Le registre périnatal a permis de documenter les soins prénatals, le travail de l’accouchement, les soins postnataux de toutes les femmes ayant accouché dans ces hôpitaux d’une grossesse d’au moins 28 semaines d’aménorrhée et d’un nouveau-né pesant au moins 1000 grammes », a expliqué Dr Gottfried Agballa, chargé de projet au Cerrhud. 

Les témoignages des acteurs sont corroborés par des chiffres présentés lors de l’atelier de clôture. L’intervention a permis de réduire la mortalité périnatale de 24 % dans l’ensemble des maternités ciblées. La mortinatalité fraîche a été réduite d’au moins 40 % dans deux hôpitaux, les deux autres ayant obtenu des résultats satisfaisants, mais non statistiquement significatifs. 

« Les facteurs ayant facilité l’obtention de ces résultats sont d’abord l’acceptation de la complexité de cette intervention multifacette. Les changements ont été portés par les acteurs locaux. Nous avons aussi pu tirer parti de la puissance du mentorat et de l’approche de la revue à haut impact qui remobilise les acteurs autour des données pour l’analyse des causes profondes de ce qui empêche l’amélioration efficace et pérenne de la qualité des soins dans les maternités», a souligné Dr Gottfried Agballa. 

Dr Gottfried Agballa.

La pertinence de la revue à haut impact dévoilée 

La revue à haut impact et ses innovations ont été présentées par Dr Christelle Boyi Hounsou, cheffe du département de biostatistique, épidémiologie, populations et contrôle des maladies au Cerrhud. Avec des exemples précis, elle a su convaincre les acteurs de la santé de la pertinence de l’appropriation de cet outil dans le système de santé béninois. 

« En examinant une cinquantaine de cas sur un trimestre dans une maternité, nous avons constaté que dans plus de 90 % des cas, les paramètres vitaux n’étaient pas enregistrés. De manière similaire, dans les cas d’éclampsie sur la même période, seuls 40 % des dossiers comprenaient ces données. Dans cette maternité, le défaut de documentation des fonctions vitales reflète une organisation défaillante », a-t-elle expliqué. 

En discutant de ces lacunes, des dysfonctionnements dans l’organisation des services ont été mis en lumière : une salle unique accueillait toutes les patientes, indépendamment de l’urgence de leur situation. Avec un personnel limité, cela entraînait une précipitation, une mauvaise priorisation et une absence de supervision adéquate. Il n’y avait pas de chef de service, ce qui a conduit à un problème de leadership et de coordination. 

« Ensemble, nous avons organisé une salle de tri. Bien que jugées initialement impossibles à mettre en place, les acteurs ont identifié des ressources disponibles sur place. Une salle assez grande a été divisée en deux espaces distincts, facilitant ainsi la gestion des urgences. Cette initiative a réduit les situations de stress pour le personnel et permis une meilleure prise en charge des patientes », a-t-elle ajouté. 

Dr Christelle Boyi Hounsou

 Satisfactions! 

Des retours positifs ont été notés parmi les participants à l’atelier. Tout en appréciant les efforts fournis pour aboutir à ces résultats, Dr Thierry Lawalé a rappelé que la mortalité maternelle est une préoccupation de haut niveau actuellement au ministère de la Santé. Il espère surtout que les acquis du projet Alert soient pérennisés. 

« Quand j’ai entendu les innovations racontées par les acteurs eux-mêmes, je pense que ce sont des choses qu’on ne tire pas des livres. C’est ce qu’on demande. Il n’y a pas de chemin tout tracé, le chemin se trace en marchant. Vous avez su marcher, et derrière vous, vous avez tracé du chemin. Ma prière est que d’autres personnes empruntent ce chemin, pour qu’il ne se referme pas », a-t-il conclu. 

Dr Thierry Lawalé

Winnoc Goudjo, Directeur départemental de la santé du Zou-Collines, a tenu à remercier le Cerrhud. « C’est pour nous une fierté d’avoir été les premiers à être exposés à ce dispositif. Je voudrais plaider pour que le système de santé puisse faire en sorte que les quatre structures qui ont bénéficié d’un certain accompagnement et appui deviennent des creusets d’échanges afin de perpétuer tout ce qui a été appris. » 

Le Professeur Michel Fiogbé, chirurgien pédiatre, s’est dit honoré et heureux qu’il y ait des chercheurs qui se consacrent exceptionnellement à la problématique des décès des nouveau-nés et des mamans. « Nous pensons souvent que ce sont les autorités qui doivent tout faire. Mais qui vit le problème au quotidien ? Ce sont les sages-femmes et les responsables des différentes structures hospitalières. J’ai appris ici l’importance d’exprimer les besoins. Il faut le faire matin, midi, soir. Tant que cela ne sera pas fait, les femmes et les enfants continueront de mourir. »  

L’engagement de tous est donc attendu dans un pays où la mortalité maternelle, en hausse avant 2015, a connu une inversion entre 2015 et 2020, avec une réduction annuelle de 2,44 % du ratio de décès maternels. Cependant, pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD) d’ici 2030, il nous faut accélérer et viser une réduction annuelle de 21 %. Et c’est bien possible.  

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