En 2019, alors qu’il était Médecin Coordonnateur de la Zone sanitaire Abomey-Calavi/Sô-Ava, Dr Rodrigue Kohoun a su mettre en place un système de référence et de contre-référence qui a contribué à réduire les décès maternels et néonatals. Lors d’une masterclass organisée au profit de la première cohorte du cours Leadership pour le bien-être de la mère et de l’enfant (LBEME), le 3 juillet 2025, il a partagé des leçons tirées cette expérience.

Comment mettre en place un système de référence et de contre-référence pour plus d’un million d’habitants, dont une partie vit en milieu lacustre, avec très peu de moyens roulants ? Comment impulser un véritable changement face à des décès maternels et néonatals évitables, mais avec des moyens non fonctionnels ?
En 2019, dans ce contexte délicat, Dr Rodrigue Kohoun n’avait pas besoin de baguette magique. Ce qui pourrait s’apparenter à de la magie, c’était en réalité du pragmatisme, une capacité à mobiliser son équipe et les autorités locales autour d’une vision partagée, définie et mise en œuvre avec méthode.
« On a collectivement dit : Non, stop. Il faut marquer un arrêt », raconte-t-il lors de la masterclass organisée ans le cadre du cours Leadership pour le bien-être de la mère et de l’enfant (LBEME). Co-organisée par le Centre de recherche en reproduction humaine et en démographie (Cerrhud), le ministère de la santé et l’Institut de médécine tropicale d’Anvers, Cette masterclass est en réalité une occasion d’échanges entre les participants à ce cours transformateur et des décideurs au plus haut niveau.
Et le choix de Dr Rodrigue Kohoun pour cette rencontre ne doit rien au hasard. « C’est quelqu’un qui a une approche très pragmatique, ce qui lui vaut la confiance des autorités sanitaires au plus haut niveau. Et humainement, il inspire. C’est une référence avec laquelle nous avons envie d’apprendre », souligne Dr Jean-Paul Dossou, directeur exécutif du Cerrhud.
Un leadership incarné
Dans son intervention, l’actuel conseiller aux soins de santé primaire du ministre de la Santé est revenu sur les leviers qui ont permis de structurer un système efficace dans cette zone sanitaire. L’une des clés était sa capacité à fédérer méthodiquement les parties prenantes autour d’une vision commune.
« Nous voulions faire de cette zone sanitaire, à l’horizon 2023, une référence nationale et un laboratoire de bonnes pratiques. Nous avons défini ensemble des valeurs clés, comme l’équité : que tous les patients soient traités équitablement, que chacun rende compte de ses actes, et que chacun reconnaisse sa part de responsabilité », explique-t-il.
Il était question de modéliser un système intégré – technique, humain, logistique en tenant compte des contraintes locales : dispersion des centres, du milieu lacustre, du manque de moyens, des résistances humaines et des besoins de suivi-évaluation.
« Tout le monde a une parcelle de pouvoir »
Aucun acteur n’a été négligé dans le dispositif. Les conducteurs de véhicules administratifs étaient notamment considérés comme essentiels à la réussite du système. Aux autorités communales, il a partagé astucieusement ses idées et ce que cela implique.
« C’était pour leur faire comprendre la nécessité d’agir individuellement collectivement pour mettre un terme à ce constat effrayant que nous avions fait. Le modèle que nous avons conçu intégrait tous les aspects de la chaîne de référence », souligne-t-il.
Au-delà des chiffres et des procédures, ce sont ses convictions qui ont marqué les participants du cours LBEME. « Il fait partie de ceux qui pensent en dehors des cadres établis. Avec son équipe, ils ont prouvé que c’était possible. C’est un message fort pour les participantes et participants à ce cours », remarque Dr Kéfilath Bello, directrice exécutive adjointe du CERRHUD.
Même ressenti pour Dr Thierry Lawalé, directeur de la Santé Mère Enfants, des Soins infirmiers et Obstétricaux à l’Agence des Soins de Santé Primaire (ANSSP). Pour lui, cette masterclass est une leçon de responsabilité : « Quand on a une parcelle de pouvoir, on est toujours amené à prendre des décisions. La prise de décision n’est pas toujours l’apanage de l’autre. Mais lorsque nous sentons que le problème sort de notre champ de décision, il faut toujours le porter vers une hiérarchie », a-t-il déclaré. En d’autres termes : chacun, à son niveau, peut agir. Et faire avancer un système.
