Alors que le Bénin s’apprête à déposer son dossier d’élimination de la filariose lymphatique auprès de l’Organisation mondiale de la Santé, des spécialistes saluent les progrès enregistrés et appellent à renforcer l’approche intégrée et multisectorielle pour mieux prendre en charge les maladies tropicales négligées. C’était le vendredi 26 juillet 2025 à la Faculté des sciences de la Santé, au cours d’un panel organisé dans le cadre des 25 ans de la 22e promotion des médecins. Le Cerrhud y était représenté par Dr Kéfilath Bello, Directrice exécutive adjointe.
Pour l’élimination de la schistosomiase génitale féminine et de la filariose lymphatique, le Bénin est proche du but. Dr Ndeye Marie ADAMA, Coordonnatrice nationale du Programme national de lutte contre les maladies transmissibles (PNLMT), en est certaine au regard des données disponibles. Des arguments, elle en a donnés lors du panel intitulé : « Accélérons l’investissement en faveur de l’élimination de la schistosomiase génitale féminine et de la filariose lymphatique pour l’équité sociale et le développement économique ».
La bilharziose génitale féminine ou schistosomiase féminine est une infection courante dans les zones endémiques, causée par des vers, notamment le parasite Schistosoma haematobium. Au Bénin, depuis 2014, d’importants progrès ont été réalisés dans la lutte contre les maladies tropicales négligées à chimiothérapie préventive.
Aujourd’hui, seules 46 communes continuent de bénéficier de traitements de masse contre la schistosomiase, contre 77 initialement. « Grâce aux efforts du ministère de la Santé avec ses partenaires, nous sommes arrivés à 46 communes aujourd’hui qui font des traitements », se réjouit Dr Ndeye Marie ADAMA.
Concernant la filariose lymphatique, le PNLMT met les bouchées doubles pour déposer le dossier d’élimination. « Nous sommes sur le point de déposer notre dossier à l’OMS. Les enquêtes d’arrêt de la transmission réalisées dans 48 communes ont montré que, dans 44 d’entre elles, la transmission est effectivement arrêtée. Il ne reste que 4 communes à évaluer, et dès que nous aurons le financement, nous lancerons ces enquêtes », ajoute-t-elle.
Intégrer, anticiper, coordonner
Tout en saluant ces avancées, les experts mobilisés dans ce panel modéré par Franz OKEY, Coordonnateur régional de Speak Up Africa, insistent sur la nécessité d’aller plus loin. L’intégration de la prise en charge dans les soins de santé primaires et une coordination multisectorielle sont désormais indispensables.
« Nous avons atteint un stade où, bien que la maladie soit presque éliminée, il faut maintenir une veille constante. Et cette veille passe par un changement d’approche : ne plus seulement organiser des campagnes ciblées, mais intégrer le dépistage et la prise en charge précoce dans le ystème de santé », affirme Dr Kéfilath BELLO, cheffe du département Politiques et systèmes de santé au CERRHUD.
Pour elle, une approche qui fonctionne bien à ce niveau, c’est celle centrée sur le patient : écouter, prendre en compte l’ensemble de ses besoins, pas seulement la raison pour laquelle il est venu consulter.
« Une femme qui vient pour un problème de fertilité, par exemple, doit être examinée dans sa globalité et on doit penser à explorer des affections comme la schistosomiase génitale féminine. Cette approche inclut aussi un soutien psychosocial, pour accompagner les patientes de façon complète », fait savoir Dr Bello.
Elle insiste également sur la nécessité de croiser les expertises et les compétences. « Il nous faut aller vers une approche multisectorielle. […] Ceci permet d’avoir des gains que nous ne pourrions pas avoir seulement si on est au niveau du système de santé. »
Des maladies invisibles aux conséquences sociales visibles
Les conséquences sociales de ces maladies, notamment sur les femmes, sont souvent invisibles, mais profondes. Dr Odry AGBESSI, présidente de l’association Via-me, rappelle que la schistosomiase génitale peut entraîner des difficultés sexuelles, la stérilité, et une marginalisation sociale des patientes. « Ce qui entraîne des répercussions sur leur participation dans la vie sociale et familiale », dit-elle.
Face à ces enjeux, renforcer la détection précoce, former les soignants sur les signes gynécologiques et urologiques de ces affections, et impliquer les communautés ainsi que d’autres ministères dans la réponse sont des pistes suggérées. La recherche peut aussi apporter des bénéfices, par exemple en se pencher sur le cas de la commune de Tori-Bossito, seule commune sur les 77 épargnée par la schistosomiase d’après la cartographie.

